La création d'Internet offre depuis ces dernières années la possibilité de consommer des biens culturels de manière totalement gratuite. On peut télécharger de la musique, des films, des livres, des logiciels sans l'accord préalable de leurs créateurs. Pour beaucoup cette révolution technologique est un grand pas en avant et il est impossible de revenir en arrière. Pour d'autres ce mouvement est trop dangereux pour ne pas poser des limites, des lois, permettant de régir le tout. Analyse d’un phénomène entre crainte et engouement
Avant toute critique, il est indispensable de donner une définition claire du piratage. Celle-ci est rendue possible par la confrontation de deux termes extrêmement liés, mais qui s’opposent par leur rapport avec le piratage: la liberté et le partage. La raison de vivre d'Internet c'est le partage. Partage des idées, des opinions à travers les blogs, de connaissances sur les encyclopédies en ligne, de photos et de vidéos sur les sites communautaires, de logiciels, de musique et de films sur les plateformes Peer to Peer (P2P). Si ce partage est possible c'est parce que les internautes jouissent d'une grande liberté sur la toile. Ils peuvent tout faire ou presque. L’absence de lois bien définies concernant le droit ou non de pirater leur permet de rester libre. Il faut dire que la question du piratage est délicate. Doit-on l'interdire, l'autoriser, le réguler dans une certaine limite ? Quelle limite accorder entre piratage et partage ? En interdisant les internautes de partager des fichiers d'ordinateur à ordinateur on prive tout simplement ces utilisateurs de l’outil Internet, ce qui reviendrait à interdire et à supprimer Internet de la surface de la Terre. Explications : Naviguer sur une page Web quelconque c'est accepter l'idée que l'on partage avec tous les utilisateurs du monde entier la même page, les mêmes informations. C'est aussi accepter l'idée qu'il y a une sorte de contrat entre le créateur de la page Web et le visiteur. Le créateur produit quelque chose d'intéressant, le visiteur qui cherche cette information navigue donc sur sa page Web. Ceci est considéré comme du partage. À partir du moment où le visiteur enregistre cette page sur son ordinateur et l'utilise à une fin quelconque il pirate l'oeuvre d'un autre. La limite réside dans le fait qu'il utilise un bien qui ne lui appartient pas sans l'autorisation de l'auteur. Pourtant en publiant sa page, le créateur du lien web a parfaitement conscience de ce qu'il fait. Il sait que ce qu'il publie est accessible à tout le monde et qu'il suffit de quelques clics pour que cette page soit copiée, hébergée sur un autre site ou imprimée et diffusée ailleurs. Ce qui pose véritablement problème, comme dans beaucoup d'autres domaines c'est le souci de la rémunération. On utilise l'oeuvre d'un autre dont l'accès dans certains cas devrait être payant.
La gratuité pour favoriser la création
Il faut rappeler que la gratuité ne date pas d'aujourd'hui. Dès l'Antiquité, la plupart des oeuvres d'art étaient accessibles gratuitement. Actuellement il existe toujours une véritable gratuité pour la production de l'art et l'accès à celui ci. C’est ce que tentent de nous prouver certains spécialistes comme le romancier Jacques Attali. Pour lui le P2P n'est pas un piratage "c'est un cadeau" qui doit rester gratuit. Il considère que, par sa gratuité, le piratage favorise la création artistique. En fait, le succès du piratage serait dû à une nouvelle envie de la part des hommes. Ils ne voudraient plus seulement consommer de l'art, mais désireraient aussi en faire. Et pour cela ils auraient besoin d'un accès à l'art totalement gratuit. Consommer plus pour apprendre plus en quelque sorte. Les artistes professionnels ne commercialiseraient plus seulement leur art mais aussi leur savoir-faire. L'artiste reconnu aura alors pour vocation d'aider les autres à devenir artiste. Ce qu’oublie de dire Jacques Attali c’est que la machine est déjà en marche. Les logiciels de composition musicale sont nombreux sur le marché (Compositor, E-Jay etc.) et fonctionnent particulièrement bien. Avec ces logiciels, les artistes, mais pas seulement eux, peuvent créer, composer très facilement. Ils produisent quelque chose qui est le fruit de plusieurs rencontres, de plusieurs découvertes, de centaines de téléchargements. Ils mêlent la mélodie de l'un avec la rythmique d'un autre et le gimmick d'un troisième. Une fois leur création terminée, Internet et le piratage reprennent leurs droits. Ces artistes en herbe « balancent » leur musique sur Myspace ou elle peut être écoutée ou téléchargée par tous les visiteurs qui passent sur leur page Web. Pierre, chanteur Nîmois, est particulièrement touché par ce phénomène. Le téléchargement est indispensable à sa création " Je télécharge de la musique tous les jours. Je n'ai pas les moyens de m'acheter des disques à 15 euros toutes les semaines parce que mon porte-monnaie ne me le permet pas. J'ai besoin d'écouter autant de musique pour créer mes chansons. Je m'inspire de tout ce qui se fait et de tout ce qui me plaît. Je sais que l'on critique beaucoup le piratage mais je pense très sincèrement que le piratage facilite la création artistique et la possibilité de voir de nouveaux artistes dans le paysage musical français. J'espère que les internautes qui téléchargent mes titres les font partager. De cette manière, je peux espérer me faire un nom sur la toile et peut être signer un contrat dans une grande maison de disques."
Le souci du téléchargement en masse
Les raisons d’un téléchargement en masse ne sont pas seulement celles de la création artistique. Plusieurs spécialistes tentent de comprendre le pourquoi de cet engouement. La première raison serait sociale. La vie d'aujourd'hui étant très chère, les internautes n'ayant pas les moyens de dépenser de l'argent dans des logiciels, des disques de plus en plus chers, préfèrent la solution la moins coûteuse : un piratage gratuit et simple à réaliser. En téléchargeant ils gagnent de l'argent mais aussi du temps, Le temps est une dimension que prend très au sérieux Jacques Attali. Dans son livre sur la musique intitulé "Bruits", écrit il y a pourtant trente ans, il explique que les gens constituent des bibliothèques et des discothèques pour une raison : le rapport à la mort. Il explique : " Quand on regarde sa bibliothèque, on se dit : « Je ne mourrai pas avant de l'avoir lue. » Qu'est-ce qu'une bibliothèque ou une discothèque ? Du temps que l'on stocke. Une bibliothèque, c'est le temps qu'on contemple, une façon de conjurer la mort. Les jeunes ne disent pas autre chose quand ils affirment : « J'ai 1 000 heures dans mon iPod. » Autre façon de dire : « J'ai 1 000 heures de vie, au moins. »". Le téléchargement serait comme une course contre la montre. On télécharge tout et n'importe quoi parce que nous sommes libres. Libres de choisir, de tout regarder, dans le monde entier quand nos libertés sont bafouées. En Italie la chaîne Rai vient de couper (censurer ?) les scènes d'amour entre les deux cow-boys de Brokeback Mountain. Quand la télévision étroitement liée au pouvoir et à son idéal choisit de modifier une oeuvre d'art pour montrer, non pas ce que le réalisateur a voulu montrer, mais autre chose, on peut comprendre que les téléchargements des oeuvres originales s'envolent.
Pourquoi nous ne téléchargerons plus ?
Ce téléchargement de masse va certainement provoquer dans un premier temps la naissance d'une nouvelle économie de l'art. Le CD va probablement disparaître. L'immatériel l'emportera pour la musique et le cinéma et on oubliera les supports physiques. Alors que le livre, lui, continuera probablement d'exister... et encore ! Puis, un jour viendra, le téléchargement n’existera plus… Depuis trois ans une nouvelle façon de pirater les œuvres émerge petit à petit. Il s’agit du streaming qui permet aux utilisateurs de visionner des films dans un lecteur web sans pour autant charger la vidéo sur leur ordinateur. Et en cequi concerne la musique, le site de diffuseur de musique en ligne Deezer propose la même chose et attire déjà plus de 150 000 visiteurs par jour. L’art et sa diffusion risque donc d’en surprendre plus d’un dans les années à venir …
Très bon article mais deux remarques quand même :
RépondreSupprimer- Tu écris que : "L’absence de lois bien définies concernant le droit ou non de pirater leur permet de rester libre."
Or il existe un cadre légal très clair dans le Code de la Propriété Intellectuelle, tout à fait transposable à l'Internet (qui a d'ailleurs été pris en compte lors de la dernière évolution législative).
C'est juste qu'en droit la notion de "piratage" n'existe pas, c'est un terme journalistique, pour le grand public. Juridiquement on parle de "contrefaçon".
Et contrairement à ce qu'a pu en dire notre ministre de la culture (pourtant en charge de réformer le droit d'auteur... sic !), "vol" et "contrefaçon" sont deux notions bien distinctes.
- Deezer n'est pas nécessairement un moyen illégal d'écouter des oeuvres musicales. En effet ils ont négocié ce droit de diffusion avec certaines sociétés de gestion, dont la SACEM. Rien d'illégal donc à la présence et à l'écoute des titres du répertoire de ces sociétés de gestion sur Deezer. Pour les titres non gérés par ces sociétés c'est une autre histoire en effet... et c'est là que réside tout le problème de Deezer : l'internaute lambda a bien du mal à différencier ce qu'il est en droit d'écouter de ce qu'il ne devrait pas écouter.
Rémi (qui n'arrive pas à poster sous son nom ici).
Je suis d'accord avec toi mais je ne dis pas que deezer c'est illégal, je pense la question " est ce que le streaming c'est pirater ? " pr moi oui
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